De notre envoyé spécial au cœur des manifestations…
Publié le 8 février 2023
Nous étions des cent et des milles, nous étions des centaines de milliers à défiler dans Paris jeudi 19 janvier contre la réforme des retraites, assurément, et plus globalement contre la régression sociale sans précédent à laquelle on assiste depuis au moins deux décennies.
Voilà bien une heure que j’arpente le macadam depuis Charenton afin de me rendre sur la place de la République où le cortège doit s’assembler.
Le RDV est fixé à 14 h, mais j’anticipe un départ tardif car il y a comme un air de mobilisation générale depuis l’annonce de la loi retraite par Elisabeth Borne.
Tout au bout du boulevard Voltaire on entrevoit une marée humaine sur la Place de la République, le ballon FSU flottant parmi des dizaines d’autres est à peine à 300 mètres. Il est déjà presque 15 heures et le passage est bloqué par les forces de l’ordre qui nous demandent d’emprunter la rue Amelot, afin de rejoindre le boulevard du Temple, pour accéder à la place de la République.
Plus facile à dire qu’à faire, en fait c’est mission impossible car la marée humaine qui stationne à la République s’écoule vers le boulevard du temple déjà noir de monde jusqu’à perte de vue.
« Emporté par la foule », comme dans la chanson d’Edith Piaf, je retourne rue Amelot pour attendre le départ.
Vers 16h30, le cortège s’ébranle, des banderoles FO partout, à ce rythme, je me dis qu’il va falloir attendre un bon moment avant que de retrouver le ballon FSU.
Des vieux, des moins vieux, des jeunes, beaucoup de jeunes, c’est à croire qu’un échantillon représentatif de la France s’est donnée RDV dans la rue !
Manifestement nous sommes bien loin ici… d’une manifestation « classique » où l’on retrouve souvent les mêmes initiés d’un certain âge.
Le cortège CGT est sans fin, des tracts à profusion sont distribués, les sonos diffusent des slogans entraînants, de la musique, outre les ballons qui occupent le ciel, il y a des banderoles précédant les agents d’entreprises publiques, privées ou d’établissements publics divers et variés (RATP, Cheminots, Finances), et même les pompiers sont représentés.
Les torchères en tous genres des cheminots et agents de la voierie dégagent des volutes colorées donnant un aspect lunaire et surréaliste au spectacle.
J’accélère sur le trottoir noir de monde, de plus en plus de jeunes, qui dansent pour beaucoup derrière une banderole d’un lycée, d’une fac.
La place de la Bastille s’approche, j’aperçois le ballon SOLIDAIRE, les gaillards de Sud rail et d’ailleurs sont impressionnants de détermination, mais ils ne sont qu’une goutte d’eau, ici.
N’ayant vu ni la FSU, ni la CFDT, ni l’UNSA je me demande s’ils ne sont pas restés scotchés Place de la République et j’apprendrai plus tard, à l’arrivée, qu’ils ont pris un deuxième itinéraire afin de la désengorger au plus vite.
Ainsi il y a eu sur un même rassemblement intersyndical unitaire, deux cortèges immenses sur deux itinéraires différents pour se rendre à la Nation… du jamais vu !
La place de la NATION est encore, loin, il fait froid, mais tout cela est accessoire car je sais désormais qu’il fallait en être et j’y étais avec tant d’autres… et demain le 31 janvier nous serons encore plus nombreux.
Ce 31 janvier nous partîmes des cent et des milles et nous fûmes des millions en arrivant à bon port.
Après 5 kms de marche me voilà sur la place d’Italie noire de monde… néanmoins çà et là quelques rares espaces « aérés » non occupés, est-ce que la mobilisation serait moindre que précédemment ?
C’était sans compter les avenues adjacentes pleines à craquer qui aussitôt déversent leur cargaison de manifestants.
Vers 15h30 les choses se précisent sur le boulevard Blanqui. La FSU est en tête avec un cortège inhabituellement long, puis vient l’UNSA tout de bleu azur, la territoriale y est fort bien représentée et, il faut l’avouer, les luisantes perruques blanches longues et fines des manifestants leur donnent une étrange et belle allure. Le nombre et l’organisation en impose. Et comme la CFDT n’est pas en reste, car toute l’avenue de Choisy est devenue orange, c’est une troupe impressionnante qui arpente le bitume désormais de Blanqui à Denfert.
Je tourne autour de la place d’Italie à la recherche de regards connus… en vain.
Pourtant on a l’impression de se connaître tous, car nous partageons un même combat contre une réforme inique, qui prolonge la durée du travail à 64 ans, alors qu’un bon tiers des travailleurs est déjà retranché de l’emploi par le patronat quand pointe la soixantaine au compteur de la vie.
Sur l’avenue des Gobelins, tout prend une tout autre dimension avec la CGT et le cortège des sans cortèges, des « indépendants » qui déferlent sur l’avenue dans le bruit et la fumée des torchères.
Ici, il y a de tout, outre la CGT et FO magnifiquement organisés et représentés, il y a encore du bleu azur, de l’orange… mais j’ai loupé le vert des SOLIDAIRE qui s’est répandu sur le boulevard Blanqui.
Les pompiers font le show munis de sirènes puissantes, ils s’arrêtent d’un coup, s’accroupissent dans un bel ensemble quelques instants, se redressent et se mettent à courir. Les portables nombreux sur le trottoir sont braqués sur eux afin de fixer en images cette démonstration.
Les jeunes sont extrêmement présents, démentant ainsi toute cette propagande qui nous les décrit comme des individualistes forcenés totalement détachés des problèmes sociaux.
Je rencontre deux retraités de la CAISSE qui m’informent qu’il y a eu, plus haut, quelques bris de glace sur une agence d’un groupe d’assurance.
Globalement, on constatera fort peu de déprédations commises par des « éléments incontrôlés », CRS et gendarmes mobiles sont nombreux et le service d’ordre interne veille avec des gaillards assez baraqués postés devant des endroits stratégiques.
Bon nombre de bars restaurants sont ouverts et turbinent à pleins pots de bière et cafés à profusion… Quel est l’imbécile qui a dit que les manifestations, c’est toujours mauvais pour le commerce ?
Une agence BNP PARIBAS à Port Royal est totalement barricadée et cernée par des planches avec un essaim de CRS tout autour.
Manifestement les banques sont dans le collimateur des activistes et très largement détestées, notamment par les jeunes.
Boulevard Montparnasse, la clarté de la journée s’estompe progressivement et la manifestation se révèle dans toute sa puissance. Pourtant il y a de l’espace à cet endroit, mais tout est noir de monde.
Des chorales improvisées germent le long du parcours, le spectacle est total sons, couleurs, odeurs, notamment celle des merguez qui n’est pas désagréable.
Les écolos aussi sont présents avec de belles affiches, placardées ci et là, mettant en valeur « le gang de la Macronie » Borne, Darmanin, Véran et tutti quanti.
Peu après 18 heures, j’arrive place Vauban le terme de notre défilé. L’embouteillage est inimaginable car depuis plus d’une heure on voyait passer en sens inverse un flot de gens issus de l’autre cortège qui s’était élancé sur le boulevard Blanqui.
Ce fut une très belle journée et demain nous serons encore plus nombreux…Toujours plus nombreux.
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De notre envoyé spécial au cœur des manifestations…
Publié le 8 février 2023
Nous étions des cent et des milles, nous étions des centaines de milliers à défiler dans Paris jeudi 19 janvier contre la réforme des retraites, assurément, et plus globalement contre la régression sociale sans précédent à laquelle on assiste depuis au moins deux décennies.
Voilà bien une heure que j’arpente le macadam depuis Charenton afin de me rendre sur la place de la République où le cortège doit s’assembler.
Le RDV est fixé à 14 h, mais j’anticipe un départ tardif car il y a comme un air de mobilisation générale depuis l’annonce de la loi retraite par Elisabeth Borne.
Tout au bout du boulevard Voltaire on entrevoit une marée humaine sur la Place de la République, le ballon FSU flottant parmi des dizaines d’autres est à peine à 300 mètres. Il est déjà presque 15 heures et le passage est bloqué par les forces de l’ordre qui nous demandent d’emprunter la rue Amelot, afin de rejoindre le boulevard du Temple, pour accéder à la place de la République.
Plus facile à dire qu’à faire, en fait c’est mission impossible car la marée humaine qui stationne à la République s’écoule vers le boulevard du temple déjà noir de monde jusqu’à perte de vue.
« Emporté par la foule », comme dans la chanson d’Edith Piaf, je retourne rue Amelot pour attendre le départ.
Vers 16h30, le cortège s’ébranle, des banderoles FO partout, à ce rythme, je me dis qu’il va falloir attendre un bon moment avant que de retrouver le ballon FSU.
Des vieux, des moins vieux, des jeunes, beaucoup de jeunes, c’est à croire qu’un échantillon représentatif de la France s’est donnée RDV dans la rue !
Manifestement nous sommes bien loin ici… d’une manifestation « classique » où l’on retrouve souvent les mêmes initiés d’un certain âge.
Le cortège CGT est sans fin, des tracts à profusion sont distribués, les sonos diffusent des slogans entraînants, de la musique, outre les ballons qui occupent le ciel, il y a des banderoles précédant les agents d’entreprises publiques, privées ou d’établissements publics divers et variés (RATP, Cheminots, Finances), et même les pompiers sont représentés.
Les torchères en tous genres des cheminots et agents de la voierie dégagent des volutes colorées donnant un aspect lunaire et surréaliste au spectacle.
J’accélère sur le trottoir noir de monde, de plus en plus de jeunes, qui dansent pour beaucoup derrière une banderole d’un lycée, d’une fac.
La place de la Bastille s’approche, j’aperçois le ballon SOLIDAIRE, les gaillards de Sud rail et d’ailleurs sont impressionnants de détermination, mais ils ne sont qu’une goutte d’eau, ici.
N’ayant vu ni la FSU, ni la CFDT, ni l’UNSA je me demande s’ils ne sont pas restés scotchés Place de la République et j’apprendrai plus tard, à l’arrivée, qu’ils ont pris un deuxième itinéraire afin de la désengorger au plus vite.
Ainsi il y a eu sur un même rassemblement intersyndical unitaire, deux cortèges immenses sur deux itinéraires différents pour se rendre à la Nation… du jamais vu !
La place de la NATION est encore, loin, il fait froid, mais tout cela est accessoire car je sais désormais qu’il fallait en être et j’y étais avec tant d’autres… et demain le 31 janvier nous serons encore plus nombreux.
Ce 31 janvier nous partîmes des cent et des milles et nous fûmes des millions en arrivant à bon port.
Après 5 kms de marche me voilà sur la place d’Italie noire de monde… néanmoins çà et là quelques rares espaces « aérés » non occupés, est-ce que la mobilisation serait moindre que précédemment ?
C’était sans compter les avenues adjacentes pleines à craquer qui aussitôt déversent leur cargaison de manifestants.
Vers 15h30 les choses se précisent sur le boulevard Blanqui. La FSU est en tête avec un cortège inhabituellement long, puis vient l’UNSA tout de bleu azur, la territoriale y est fort bien représentée et, il faut l’avouer, les luisantes perruques blanches longues et fines des manifestants leur donnent une étrange et belle allure. Le nombre et l’organisation en impose. Et comme la CFDT n’est pas en reste, car toute l’avenue de Choisy est devenue orange, c’est une troupe impressionnante qui arpente le bitume désormais de Blanqui à Denfert.
Je tourne autour de la place d’Italie à la recherche de regards connus… en vain.
Pourtant on a l’impression de se connaître tous, car nous partageons un même combat contre une réforme inique, qui prolonge la durée du travail à 64 ans, alors qu’un bon tiers des travailleurs est déjà retranché de l’emploi par le patronat quand pointe la soixantaine au compteur de la vie.
Sur l’avenue des Gobelins, tout prend une tout autre dimension avec la CGT et le cortège des sans cortèges, des « indépendants » qui déferlent sur l’avenue dans le bruit et la fumée des torchères.
Ici, il y a de tout, outre la CGT et FO magnifiquement organisés et représentés, il y a encore du bleu azur, de l’orange… mais j’ai loupé le vert des SOLIDAIRE qui s’est répandu sur le boulevard Blanqui.
Les pompiers font le show munis de sirènes puissantes, ils s’arrêtent d’un coup, s’accroupissent dans un bel ensemble quelques instants, se redressent et se mettent à courir. Les portables nombreux sur le trottoir sont braqués sur eux afin de fixer en images cette démonstration.
Les jeunes sont extrêmement présents, démentant ainsi toute cette propagande qui nous les décrit comme des individualistes forcenés totalement détachés des problèmes sociaux.
Je rencontre deux retraités de la CAISSE qui m’informent qu’il y a eu, plus haut, quelques bris de glace sur une agence d’un groupe d’assurance.
Globalement, on constatera fort peu de déprédations commises par des « éléments incontrôlés », CRS et gendarmes mobiles sont nombreux et le service d’ordre interne veille avec des gaillards assez baraqués postés devant des endroits stratégiques.
Bon nombre de bars restaurants sont ouverts et turbinent à pleins pots de bière et cafés à profusion… Quel est l’imbécile qui a dit que les manifestations, c’est toujours mauvais pour le commerce ?
Une agence BNP PARIBAS à Port Royal est totalement barricadée et cernée par des planches avec un essaim de CRS tout autour.
Manifestement les banques sont dans le collimateur des activistes et très largement détestées, notamment par les jeunes.
Boulevard Montparnasse, la clarté de la journée s’estompe progressivement et la manifestation se révèle dans toute sa puissance. Pourtant il y a de l’espace à cet endroit, mais tout est noir de monde.
Des chorales improvisées germent le long du parcours, le spectacle est total sons, couleurs, odeurs, notamment celle des merguez qui n’est pas désagréable.
Les écolos aussi sont présents avec de belles affiches, placardées ci et là, mettant en valeur « le gang de la Macronie » Borne, Darmanin, Véran et tutti quanti.
Peu après 18 heures, j’arrive place Vauban le terme de notre défilé. L’embouteillage est inimaginable car depuis plus d’une heure on voyait passer en sens inverse un flot de gens issus de l’autre cortège qui s’était élancé sur le boulevard Blanqui.
Ce fut une très belle journée et demain nous serons encore plus nombreux…Toujours plus nombreux.