Le feuilleton de la Caisse… en X épisodes: mes débuts à la Caisse des dépôts
Publié le 3 mai 2024
Le 2 février 1986 est déjà si loin, ce jour où je débutais ma carrière professionnelle et où la déjà très vieille dame CDC me prit par la main afin de parcourir ensemble un si long bout de chemin.
Bientôt ce long parcours commun va s’achever mais que de bons souvenirs qui vont demeurer jusqu’à la fin de mon existence, il va me laisser !
Se remémorer une tout autre époque, que celle du temps présent n’est pas sans danger car toujours vers l’avant il te faut regarder pour ne pas être déclassé nous dit-on, mais celui qui ne sait pas d’où il vient sait-il seulement où il va ?
Le DG de l’époque s’appelait Robert Lion, c’était un très haut fonctionnaire, le personnel de l’établissement public CDC soit plus de 8000 agents était à 99,8 % constitué de fonctionnaires dont 80% n’avaient pas le bac.
Pourtant, ils formaient toutes et tous une communauté de travail au sein d’un Etablissement public spécial qui portait leurs avantages sociaux (carrière, primes, prestations sociales etc.…) et qu’ils étaient prêts à défendre au besoin en se mobilisant collectivement… que ce temps semble lointain aujourd’hui !
Donc, tout juste affecté à SET420, arrivant à la sous-direction des équipements, je fus accueilli par un ancien- Mr André Debourges, lequel me fit visiter les locaux et me présenta aux agents de la sous-direction.
Alors, les vastes espaces de bureaux vides et froids marqués pas le télétravail n’existaient pas.
Chaque pièce habitée par 4, 5, voire 6 agents était cloisonnée (en gestion notamment dans le secteur de la retraite ce chiffre pouvait aller jusqu’à 10) et l’on sentait parfois comme un air d’appropriation des locaux par les occupants. Chacun y mettait sa touche personnelle : plantes, posters, photos multiples de familles et autres, trônaient des murs aux bureaux bien que beaucoup de ces derniers restaient encore assez austères.
Toutes les portes étaient en bois comme une protection à autant de cellules de travail de cette ruche et je constatais que quelques agents fonctionnaires d’un certain âge arboraient une blouse d’un autre âge.
A cette époque, nul n’était laissé à l’abandon et livré à lui-même. Tout était organisé, planifié, cadré, et je fus reçu par la directrice de SET4 puis par mon supérieur hiérarchique du grade d’attaché, un grand type d’une trentaine d’années qui trônait dans un grand fauteuil enveloppant en cuir. Il se mit à le faire pivoter plusieurs fois sur lui-même et il me dit fièrement : « tu sais combien ça coute un fauteuil comme cela… 5000 francs ! ».
C’était un gars un peu hâbleur mais sympathique.
La sous-direction des équipements gérait tout le matériel de l’Etablissement public, le mobilier (chapitre 4 de l’état des dépenses administratives appelé EDA) qui allait de la calculette à rouleau (qui nous servait à aligner des rangées d’opérations comptables), le papier, les fournitures en passant par les bureaux, les chaises, quelques ordinateurs (déjà), jusqu’aux Immeubles (chapitre 5 de l’EDA). Il y avait aussi un hors EDA un peu mystérieux (dépenses de communication, mécénat, frais divers et variés, etc..).
Seul l’EDA était approuvé par le ministère des finances et la tutelle de ce dernier cantonnée à ce rôle était très discrète.
La Caisse des dépôts veillait à son autonomie car le directeur général et son staff de hauts fonctionnaires n’auraient jamais toléré que Bercy vienne fourrer son nez dans la gestion des mandats confiés à l’Etablissement public. Je me rappelle qu’un personnage très considérable, d’alors, le Caissier général, claironnait haut et fort à qui voulait l’entendre : « Moi vivant, jamais l’inspection générale des finances ne mettra les pieds ici ».
En entrant par le 56 rue de Lille après avoir traversé le hall des caisses, quelques badgeuses horaires montaient la garde au niveau des ascenseurs mais ce qui frappait le visiteur, c’était le magnifique escalier en marbre desservant les étages !
Lorsque j’empruntais ce dernier, c’est toute l’histoire de cette vénérable institution qui venait à ma rencontre.
Tout au début, en accédant au premier étage dédié à la Direction Générale (DG, Secrétaire Général, Directeur du Développement Local (un certain Pierre Richard) etc..), je ressentais comme une aura de mystère entourant ce sanctuaire, lequel n’était alors nullement sécurisé comme de nos jours mais paraissait, néanmoins, aussi inaccessible que l’Olympe ou l’Asgard de la mythologie nordique…
L’Etablissement public était très hiérarchisé, réglementé, mais sous cette étiquette austère, une véritable communauté de travail officiait et les agents avaient tissé des liens entre eux, se connaissaient localement à chaque étage voire au-delà, finalement, tous ces gens semblaient heureux d’y vivre.
Car dans la CDC de papa, que je n’ai fait qu’entrevoir, il y avait une vie au travail avec ses pesanteurs, ses rituels, ses rendez-vous festifs (Sainte Catherine).
Le restaurant de l’établissement était accessible par l’escalier.
Il fallait y poirauter un moment dans l’attente de l’ouverture des portes ou que des tables se libèrent. Les cadres avaient un restaurant dédié. Les personnels étaient servis à table, et autant que je me souvienne, on était 6 ou 8 convives maximum par tablée. Certains avaient leur rond de serviette à leur nom.
On pouvait choisir les plats et la commande se faisait à table comme au restaurant.
En ce lieu et dans ce cadre, le nouvel arrivant que j’étais fut briefé, informé sur les mœurs et coutumes de cet étrange Etablissement.
Etant jeune secrétaire administratif grade de début, j’avais parfois l’impression d’avoir un certain « standing » car les agents de catégorie C, très nombreux, me regardaient un peu avec déférence (surtout les anciens), ce qui ne manquait pas de me surprendre.
De même, la cafétaria du 56 permettait de tisser bien des liens car tous les agents étant présents cinq jours ouvrés sur cinq : les interactions, les réseaux se créaient naturellement.
Dans les pièces, il y avait toujours un collègue de travail qui partageait son savoir en cas de difficulté et généralement les anciens avant de partir en retraite formaient leur successeur, le tuilage était un concept vivant et pratiqué sur le terrain.
A l’époque, on ne faisait pas que manier les grands concepts de solidarité, de bienveillance, de tutorat, et autre tuilage car on les appliquait concrètement sur le terrain.
Il est vrai qu’il y en avait parmi les anciens qui, jaloux de leurs prérogatives, ne révélaient à quiconque leur petit savoir et n’auraient jamais envisagé de faire un guide de procédure pour les nouveaux arrivants… de peur qu’on leur pique leur travail.
Ces gens-là existaient, mais pour autant que je me souvienne, ils n’étaient pas la majorité, loin de là ! Un jeune fonctionnaire pouvait s’intégrer rapidement et envisager de faire toute une carrière au sein de l’Etablissement public Caisse des dépôts et consignations.
A suivre…
Le 2 février 1986 est déjà si loin, ce jour où je débutais ma carrière professionnelle et où la déjà très vieille dame CDC me prit par la main afin de parcourir ensemble un si long bout de chemin.
Bientôt ce long parcours commun va s’achever mais que de bons souvenirs qui vont demeurer jusqu’à la fin de mon existence, il va me laisser !
Se remémorer une tout autre époque, que celle du temps présent n’est pas sans danger car toujours vers l’avant il te faut regarder pour ne pas être déclassé nous dit-on, mais celui qui ne sait pas d’où il vient sait-il seulement où il va ?
Le DG de l’époque s’appelait Robert Lion, c’était un très haut fonctionnaire, le personnel de l’établissement public CDC soit plus de 8000 agents était à 99,8 % constitué de fonctionnaires dont 80% n’avaient pas le bac.
Pourtant, ils formaient toutes et tous une communauté de travail au sein d’un Etablissement public spécial qui portait leurs avantages sociaux (carrière, primes, prestations sociales etc.…) et qu’ils étaient prêts à défendre au besoin en se mobilisant collectivement… que ce temps semble lointain aujourd’hui !
Donc, tout juste affecté à SET420, arrivant à la sous-direction des équipements, je fus accueilli par un ancien- Mr André Debourges, lequel me fit visiter les locaux et me présenta aux agents de la sous-direction.
Alors, les vastes espaces de bureaux vides et froids marqués pas le télétravail n’existaient pas.
Chaque pièce habitée par 4, 5, voire 6 agents était cloisonnée (en gestion notamment dans le secteur de la retraite ce chiffre pouvait aller jusqu’à 10) et l’on sentait parfois comme un air d’appropriation des locaux par les occupants. Chacun y mettait sa touche personnelle : plantes, posters, photos multiples de familles et autres, trônaient des murs aux bureaux bien que beaucoup de ces derniers restaient encore assez austères.
Toutes les portes étaient en bois comme une protection à autant de cellules de travail de cette ruche et je constatais que quelques agents fonctionnaires d’un certain âge arboraient une blouse d’un autre âge.
A cette époque, nul n’était laissé à l’abandon et livré à lui-même. Tout était organisé, planifié, cadré, et je fus reçu par la directrice de SET4 puis par mon supérieur hiérarchique du grade d’attaché, un grand type d’une trentaine d’années qui trônait dans un grand fauteuil enveloppant en cuir. Il se mit à le faire pivoter plusieurs fois sur lui-même et il me dit fièrement : « tu sais combien ça coute un fauteuil comme cela… 5000 francs ! ».
C’était un gars un peu hâbleur mais sympathique.
La sous-direction des équipements gérait tout le matériel de l’Etablissement public, le mobilier (chapitre 4 de l’état des dépenses administratives appelé EDA) qui allait de la calculette à rouleau (qui nous servait à aligner des rangées d’opérations comptables), le papier, les fournitures en passant par les bureaux, les chaises, quelques ordinateurs (déjà), jusqu’aux Immeubles (chapitre 5 de l’EDA). Il y avait aussi un hors EDA un peu mystérieux (dépenses de communication, mécénat, frais divers et variés, etc..).
Seul l’EDA était approuvé par le ministère des finances et la tutelle de ce dernier cantonnée à ce rôle était très discrète.
La Caisse des dépôts veillait à son autonomie car le directeur général et son staff de hauts fonctionnaires n’auraient jamais toléré que Bercy vienne fourrer son nez dans la gestion des mandats confiés à l’Etablissement public. Je me rappelle qu’un personnage très considérable, d’alors, le Caissier général, claironnait haut et fort à qui voulait l’entendre : « Moi vivant, jamais l’inspection générale des finances ne mettra les pieds ici ».
En entrant par le 56 rue de Lille après avoir traversé le hall des caisses, quelques badgeuses horaires montaient la garde au niveau des ascenseurs mais ce qui frappait le visiteur, c’était le magnifique escalier en marbre desservant les étages !
Lorsque j’empruntais ce dernier, c’est toute l’histoire de cette vénérable institution qui venait à ma rencontre.
Tout au début, en accédant au premier étage dédié à la Direction Générale (DG, Secrétaire Général, Directeur du Développement Local (un certain Pierre Richard) etc..), je ressentais comme une aura de mystère entourant ce sanctuaire, lequel n’était alors nullement sécurisé comme de nos jours mais paraissait, néanmoins, aussi inaccessible que l’Olympe ou l’Asgard de la mythologie nordique…
L’Etablissement public était très hiérarchisé, réglementé, mais sous cette étiquette austère, une véritable communauté de travail officiait et les agents avaient tissé des liens entre eux, se connaissaient localement à chaque étage voire au-delà, finalement, tous ces gens semblaient heureux d’y vivre.
Car dans la CDC de papa, que je n’ai fait qu’entrevoir, il y avait une vie au travail avec ses pesanteurs, ses rituels, ses rendez-vous festifs (Sainte Catherine).
Le restaurant de l’établissement était accessible par l’escalier.
Il fallait y poirauter un moment dans l’attente de l’ouverture des portes ou que des tables se libèrent. Les cadres avaient un restaurant dédié. Les personnels étaient servis à table, et autant que je me souvienne, on était 6 ou 8 convives maximum par tablée. Certains avaient leur rond de serviette à leur nom.
On pouvait choisir les plats et la commande se faisait à table comme au restaurant.
En ce lieu et dans ce cadre, le nouvel arrivant que j’étais fut briefé, informé sur les mœurs et coutumes de cet étrange Etablissement.
Etant jeune secrétaire administratif grade de début, j’avais parfois l’impression d’avoir un certain « standing » car les agents de catégorie C, très nombreux, me regardaient un peu avec déférence (surtout les anciens), ce qui ne manquait pas de me surprendre.
De même, la cafétaria du 56 permettait de tisser bien des liens car tous les agents étant présents cinq jours ouvrés sur cinq : les interactions, les réseaux se créaient naturellement.
Dans les pièces, il y avait toujours un collègue de travail qui partageait son savoir en cas de difficulté et généralement les anciens avant de partir en retraite formaient leur successeur, le tuilage était un concept vivant et pratiqué sur le terrain.
A l’époque, on ne faisait pas que manier les grands concepts de solidarité, de bienveillance, de tutorat, et autre tuilage car on les appliquait concrètement sur le terrain.
Il est vrai qu’il y en avait parmi les anciens qui, jaloux de leurs prérogatives, ne révélaient à quiconque leur petit savoir et n’auraient jamais envisagé de faire un guide de procédure pour les nouveaux arrivants… de peur qu’on leur pique leur travail.
Ces gens-là existaient, mais pour autant que je me souvienne, ils n’étaient pas la majorité, loin de là ! Un jeune fonctionnaire pouvait s’intégrer rapidement et envisager de faire toute une carrière au sein de l’Etablissement public Caisse des dépôts et consignations.
A suivre…
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Publié le 3 mai 2024
Le 2 février 1986 est déjà si loin, ce jour où je débutais ma carrière professionnelle et où la déjà très vieille dame CDC me prit par la main afin de parcourir ensemble un si long bout de chemin.
Bientôt ce long parcours commun va s’achever mais que de bons souvenirs qui vont demeurer jusqu’à la fin de mon existence, il va me laisser !
Se remémorer une tout autre époque, que celle du temps présent n’est pas sans danger car toujours vers l’avant il te faut regarder pour ne pas être déclassé nous dit-on, mais celui qui ne sait pas d’où il vient sait-il seulement où il va ?
Le DG de l’époque s’appelait Robert Lion, c’était un très haut fonctionnaire, le personnel de l’établissement public CDC soit plus de 8000 agents était à 99,8 % constitué de fonctionnaires dont 80% n’avaient pas le bac.
Pourtant, ils formaient toutes et tous une communauté de travail au sein d’un Etablissement public spécial qui portait leurs avantages sociaux (carrière, primes, prestations sociales etc.…) et qu’ils étaient prêts à défendre au besoin en se mobilisant collectivement… que ce temps semble lointain aujourd’hui !
Donc, tout juste affecté à SET420, arrivant à la sous-direction des équipements, je fus accueilli par un ancien- Mr André Debourges, lequel me fit visiter les locaux et me présenta aux agents de la sous-direction.
Alors, les vastes espaces de bureaux vides et froids marqués pas le télétravail n’existaient pas.
Chaque pièce habitée par 4, 5, voire 6 agents était cloisonnée (en gestion notamment dans le secteur de la retraite ce chiffre pouvait aller jusqu’à 10) et l’on sentait parfois comme un air d’appropriation des locaux par les occupants. Chacun y mettait sa touche personnelle : plantes, posters, photos multiples de familles et autres, trônaient des murs aux bureaux bien que beaucoup de ces derniers restaient encore assez austères.
Toutes les portes étaient en bois comme une protection à autant de cellules de travail de cette ruche et je constatais que quelques agents fonctionnaires d’un certain âge arboraient une blouse d’un autre âge.
A cette époque, nul n’était laissé à l’abandon et livré à lui-même. Tout était organisé, planifié, cadré, et je fus reçu par la directrice de SET4 puis par mon supérieur hiérarchique du grade d’attaché, un grand type d’une trentaine d’années qui trônait dans un grand fauteuil enveloppant en cuir. Il se mit à le faire pivoter plusieurs fois sur lui-même et il me dit fièrement : « tu sais combien ça coute un fauteuil comme cela… 5000 francs ! ».
C’était un gars un peu hâbleur mais sympathique.
La sous-direction des équipements gérait tout le matériel de l’Etablissement public, le mobilier (chapitre 4 de l’état des dépenses administratives appelé EDA) qui allait de la calculette à rouleau (qui nous servait à aligner des rangées d’opérations comptables), le papier, les fournitures en passant par les bureaux, les chaises, quelques ordinateurs (déjà), jusqu’aux Immeubles (chapitre 5 de l’EDA). Il y avait aussi un hors EDA un peu mystérieux (dépenses de communication, mécénat, frais divers et variés, etc..).
Seul l’EDA était approuvé par le ministère des finances et la tutelle de ce dernier cantonnée à ce rôle était très discrète.
La Caisse des dépôts veillait à son autonomie car le directeur général et son staff de hauts fonctionnaires n’auraient jamais toléré que Bercy vienne fourrer son nez dans la gestion des mandats confiés à l’Etablissement public. Je me rappelle qu’un personnage très considérable, d’alors, le Caissier général, claironnait haut et fort à qui voulait l’entendre : « Moi vivant, jamais l’inspection générale des finances ne mettra les pieds ici ».
En entrant par le 56 rue de Lille après avoir traversé le hall des caisses, quelques badgeuses horaires montaient la garde au niveau des ascenseurs mais ce qui frappait le visiteur, c’était le magnifique escalier en marbre desservant les étages !
Lorsque j’empruntais ce dernier, c’est toute l’histoire de cette vénérable institution qui venait à ma rencontre.
Tout au début, en accédant au premier étage dédié à la Direction Générale (DG, Secrétaire Général, Directeur du Développement Local (un certain Pierre Richard) etc..), je ressentais comme une aura de mystère entourant ce sanctuaire, lequel n’était alors nullement sécurisé comme de nos jours mais paraissait, néanmoins, aussi inaccessible que l’Olympe ou l’Asgard de la mythologie nordique…
L’Etablissement public était très hiérarchisé, réglementé, mais sous cette étiquette austère, une véritable communauté de travail officiait et les agents avaient tissé des liens entre eux, se connaissaient localement à chaque étage voire au-delà, finalement, tous ces gens semblaient heureux d’y vivre.
Car dans la CDC de papa, que je n’ai fait qu’entrevoir, il y avait une vie au travail avec ses pesanteurs, ses rituels, ses rendez-vous festifs (Sainte Catherine).
Le restaurant de l’établissement était accessible par l’escalier.
Il fallait y poirauter un moment dans l’attente de l’ouverture des portes ou que des tables se libèrent. Les cadres avaient un restaurant dédié. Les personnels étaient servis à table, et autant que je me souvienne, on était 6 ou 8 convives maximum par tablée. Certains avaient leur rond de serviette à leur nom.
On pouvait choisir les plats et la commande se faisait à table comme au restaurant.
En ce lieu et dans ce cadre, le nouvel arrivant que j’étais fut briefé, informé sur les mœurs et coutumes de cet étrange Etablissement.
Etant jeune secrétaire administratif grade de début, j’avais parfois l’impression d’avoir un certain « standing » car les agents de catégorie C, très nombreux, me regardaient un peu avec déférence (surtout les anciens), ce qui ne manquait pas de me surprendre.
De même, la cafétaria du 56 permettait de tisser bien des liens car tous les agents étant présents cinq jours ouvrés sur cinq : les interactions, les réseaux se créaient naturellement.
Dans les pièces, il y avait toujours un collègue de travail qui partageait son savoir en cas de difficulté et généralement les anciens avant de partir en retraite formaient leur successeur, le tuilage était un concept vivant et pratiqué sur le terrain.
A l’époque, on ne faisait pas que manier les grands concepts de solidarité, de bienveillance, de tutorat, et autre tuilage car on les appliquait concrètement sur le terrain.
Il est vrai qu’il y en avait parmi les anciens qui, jaloux de leurs prérogatives, ne révélaient à quiconque leur petit savoir et n’auraient jamais envisagé de faire un guide de procédure pour les nouveaux arrivants… de peur qu’on leur pique leur travail.
Ces gens-là existaient, mais pour autant que je me souvienne, ils n’étaient pas la majorité, loin de là ! Un jeune fonctionnaire pouvait s’intégrer rapidement et envisager de faire toute une carrière au sein de l’Etablissement public Caisse des dépôts et consignations.
A suivre…
Le 2 février 1986 est déjà si loin, ce jour où je débutais ma carrière professionnelle et où la déjà très vieille dame CDC me prit par la main afin de parcourir ensemble un si long bout de chemin.
Bientôt ce long parcours commun va s’achever mais que de bons souvenirs qui vont demeurer jusqu’à la fin de mon existence, il va me laisser !
Se remémorer une tout autre époque, que celle du temps présent n’est pas sans danger car toujours vers l’avant il te faut regarder pour ne pas être déclassé nous dit-on, mais celui qui ne sait pas d’où il vient sait-il seulement où il va ?
Le DG de l’époque s’appelait Robert Lion, c’était un très haut fonctionnaire, le personnel de l’établissement public CDC soit plus de 8000 agents était à 99,8 % constitué de fonctionnaires dont 80% n’avaient pas le bac.
Pourtant, ils formaient toutes et tous une communauté de travail au sein d’un Etablissement public spécial qui portait leurs avantages sociaux (carrière, primes, prestations sociales etc.…) et qu’ils étaient prêts à défendre au besoin en se mobilisant collectivement… que ce temps semble lointain aujourd’hui !
Donc, tout juste affecté à SET420, arrivant à la sous-direction des équipements, je fus accueilli par un ancien- Mr André Debourges, lequel me fit visiter les locaux et me présenta aux agents de la sous-direction.
Alors, les vastes espaces de bureaux vides et froids marqués pas le télétravail n’existaient pas.
Chaque pièce habitée par 4, 5, voire 6 agents était cloisonnée (en gestion notamment dans le secteur de la retraite ce chiffre pouvait aller jusqu’à 10) et l’on sentait parfois comme un air d’appropriation des locaux par les occupants. Chacun y mettait sa touche personnelle : plantes, posters, photos multiples de familles et autres, trônaient des murs aux bureaux bien que beaucoup de ces derniers restaient encore assez austères.
Toutes les portes étaient en bois comme une protection à autant de cellules de travail de cette ruche et je constatais que quelques agents fonctionnaires d’un certain âge arboraient une blouse d’un autre âge.
A cette époque, nul n’était laissé à l’abandon et livré à lui-même. Tout était organisé, planifié, cadré, et je fus reçu par la directrice de SET4 puis par mon supérieur hiérarchique du grade d’attaché, un grand type d’une trentaine d’années qui trônait dans un grand fauteuil enveloppant en cuir. Il se mit à le faire pivoter plusieurs fois sur lui-même et il me dit fièrement : « tu sais combien ça coute un fauteuil comme cela… 5000 francs ! ».
C’était un gars un peu hâbleur mais sympathique.
La sous-direction des équipements gérait tout le matériel de l’Etablissement public, le mobilier (chapitre 4 de l’état des dépenses administratives appelé EDA) qui allait de la calculette à rouleau (qui nous servait à aligner des rangées d’opérations comptables), le papier, les fournitures en passant par les bureaux, les chaises, quelques ordinateurs (déjà), jusqu’aux Immeubles (chapitre 5 de l’EDA). Il y avait aussi un hors EDA un peu mystérieux (dépenses de communication, mécénat, frais divers et variés, etc..).
Seul l’EDA était approuvé par le ministère des finances et la tutelle de ce dernier cantonnée à ce rôle était très discrète.
La Caisse des dépôts veillait à son autonomie car le directeur général et son staff de hauts fonctionnaires n’auraient jamais toléré que Bercy vienne fourrer son nez dans la gestion des mandats confiés à l’Etablissement public. Je me rappelle qu’un personnage très considérable, d’alors, le Caissier général, claironnait haut et fort à qui voulait l’entendre : « Moi vivant, jamais l’inspection générale des finances ne mettra les pieds ici ».
En entrant par le 56 rue de Lille après avoir traversé le hall des caisses, quelques badgeuses horaires montaient la garde au niveau des ascenseurs mais ce qui frappait le visiteur, c’était le magnifique escalier en marbre desservant les étages !
Lorsque j’empruntais ce dernier, c’est toute l’histoire de cette vénérable institution qui venait à ma rencontre.
Tout au début, en accédant au premier étage dédié à la Direction Générale (DG, Secrétaire Général, Directeur du Développement Local (un certain Pierre Richard) etc..), je ressentais comme une aura de mystère entourant ce sanctuaire, lequel n’était alors nullement sécurisé comme de nos jours mais paraissait, néanmoins, aussi inaccessible que l’Olympe ou l’Asgard de la mythologie nordique…
L’Etablissement public était très hiérarchisé, réglementé, mais sous cette étiquette austère, une véritable communauté de travail officiait et les agents avaient tissé des liens entre eux, se connaissaient localement à chaque étage voire au-delà, finalement, tous ces gens semblaient heureux d’y vivre.
Car dans la CDC de papa, que je n’ai fait qu’entrevoir, il y avait une vie au travail avec ses pesanteurs, ses rituels, ses rendez-vous festifs (Sainte Catherine).
Le restaurant de l’établissement était accessible par l’escalier.
Il fallait y poirauter un moment dans l’attente de l’ouverture des portes ou que des tables se libèrent. Les cadres avaient un restaurant dédié. Les personnels étaient servis à table, et autant que je me souvienne, on était 6 ou 8 convives maximum par tablée. Certains avaient leur rond de serviette à leur nom.
On pouvait choisir les plats et la commande se faisait à table comme au restaurant.
En ce lieu et dans ce cadre, le nouvel arrivant que j’étais fut briefé, informé sur les mœurs et coutumes de cet étrange Etablissement.
Etant jeune secrétaire administratif grade de début, j’avais parfois l’impression d’avoir un certain « standing » car les agents de catégorie C, très nombreux, me regardaient un peu avec déférence (surtout les anciens), ce qui ne manquait pas de me surprendre.
De même, la cafétaria du 56 permettait de tisser bien des liens car tous les agents étant présents cinq jours ouvrés sur cinq : les interactions, les réseaux se créaient naturellement.
Dans les pièces, il y avait toujours un collègue de travail qui partageait son savoir en cas de difficulté et généralement les anciens avant de partir en retraite formaient leur successeur, le tuilage était un concept vivant et pratiqué sur le terrain.
A l’époque, on ne faisait pas que manier les grands concepts de solidarité, de bienveillance, de tutorat, et autre tuilage car on les appliquait concrètement sur le terrain.
Il est vrai qu’il y en avait parmi les anciens qui, jaloux de leurs prérogatives, ne révélaient à quiconque leur petit savoir et n’auraient jamais envisagé de faire un guide de procédure pour les nouveaux arrivants… de peur qu’on leur pique leur travail.
Ces gens-là existaient, mais pour autant que je me souvienne, ils n’étaient pas la majorité, loin de là ! Un jeune fonctionnaire pouvait s’intégrer rapidement et envisager de faire toute une carrière au sein de l’Etablissement public Caisse des dépôts et consignations.